Tortues et geckos : une mission à double enjeu en Martinique

Les espèces exotiques envahissantes constituent une menace de taille pour la biodiversité des îles. De nombreuses espèces de reptiles, arrivées récemment ou installées depuis longtemps, mettent ainsi en péril les populations d’espèces locales parfois endémiques dans plusieurs territoires de la Caraïbe.

Notre projet MERCI (Maîtrise des Espèces de Reptiles exotiques dans la Caraïbe Insulaire) vise à mieux comprendre l’impact de ces espèces sur la faune indigène des Petites Antilles. Plusieurs missions ont déjà été menées, permettant de mettre en place un protocole scientifique rigoureux basé sur des méthodes complémentaires. Dernière en date, une mission en Martinique menée en novembre dernier par Christopher Cambrone, coordinateur scientifique du projet, a permis à la fois de continuer l’étude de tortues d’eau douce invasives et de mener des expériences préliminaires sur des geckos.

Trachemys scripta © Laurent Lebois

La tortue de Floride (Trachemys scripta), originaire des Etats-Unis, est invasive dans de nombreuses parties du monde, y compris la Caraïbe. Lors d’une précédente mission en Martinique dont le rôle principal était de mettre en place un programme de suivi des tortues via des pièges photographiques (lire l’article), plus d’une vingtaine d’individus avaient été capturés. De retour en Martinique, Christopher s’est rendu dans les locaux de l’Ifremer, un institut de recherche spécialisé en science maritime, pour procéder à la dissection de ces individus. Les tractus digestifs ont été collectés, et ramenés en Guadeloupe. Des analyses moléculaires permettront d’identifier la nourriture consommée par les tortues, et donc de mieux comprendre leur impact sur la biodiversité locale en termes de prédation et de compétition. Pour compléter les connaissances sur les caractéristiques de ces animaux en dehors de leur territoire natif, des échantillons de foie ont aussi été prélevés. Ils serviront à repérer d’éventuels parasites et pathogènes susceptibles d’affecter les tortues.

La mission ne s’arrête pas là : Christopher s’est également penché sur le gecko tokay (Gekko gecko), un autre reptile invasif originaire d’Asie. En septembre, Kévin Urvoy, qui travaille sur les Espèces Exotiques Envahissantes à l’OFB (Office Français de la Biodiversité), avait mis en place des dizaines d’abris artificiels, répartis dans des zones à la fois urbaines et péri-urbaines. Les visites des abris permettront d’en savoir plus sur les préférences environnementales de ces geckos. Christopher a pu confirmer l’efficacité des abris, en observant de nombreux individus dans ces derniers. Il a aussi mis au point une technique de capture spécifiquement adapté à cet animal, avec l’objectif de procéder aux mêmes analyses que pour les tortues. Ces captures s’effectueront lors d’une prochaine mission, prévue début 2023. En attendant, les analyses des échantillons et des données déjà récoltées continuent à livrer leurs secrets sur ces espèces aussi charismatiques que problématiques.

Gecko tokay dans un abri artificiel.

 

Le projet MERCI est cofinancé par le programme INTERREG Caraïbes au titre du Fonds Européen de Développement Régional.