Au cœur de la Caraïbe insulaire, hotspot de biodiversité mondialement reconnu, le territoire d’Haïti compte lui aussi une faune foisonnante, ainsi qu’en témoignent les 270 espèces d’oiseaux que l’on peut y observer, dont quelques 155 espèces affiliées aux milieux humides. Un inventaire récent apporte de précieuses informations sur ces oiseaux.
Les recherches sur les oiseaux d’Haïti se poursuivent. Après une étude sur les oiseaux affiliés aux milieux forestiers urbains (lire l’article), c’est au tour des oiseaux des milieux aquatiques de bénéficier d’un inventaire méticuleux dans ce pays où la pauvreté et le manque d’expertise scientifique au niveau local sont souvent un frein aux études scientifiques et naturalistes.
Pour partir à la découverte de ces oiseaux aquatiques, Lens Jerry Saint-Louis, au cours d’un projet soutenu par Caribaea Initiative, a sélectionné cinq sites à Haïti, incluant l’Etang Saumâtre (ou Lac Azuéi), plus grand lac du pays avec ses 170 km², l’estuaire de la rivière du Massacre, à la frontière entre Haïti et la République Dominicaine, ou encore le fameux Lac Miragoane, théâtre récent de plusieurs avancées scientifiques majeures comme la découverte d’une nouvelle espèce de poisson (lire l’article). Les oiseaux de chacun de ces sites ont été inventoriés et comptés durant l’hiver, hors période de reproduction, en utilisant plusieurs méthodes : comptage stationnaire, en suivant un itinéraire de marche le long de la rive, ou même depuis une pirogue. Les résultats obtenus permettent ainsi d’avoir un aperçu à la fois des espèces résidentes et des espèces venues passer l’hiver.
Un total impressionnant de 10 265 oiseaux ont été comptés, appartenant à 34 espèces différentes, avec des proportions globalement similaires d’oiseaux résidents et d’oiseaux hivernants et une richesse spécifique (nombre d’espèces) variable d’un site à l’autre. Parmi ces espèces, certaines, comme la sarcelle à ailes bleues (Spatula discors), ont été observées en grand nombre dans un seul site. D’autres ont été vues en nombre variable dans un plus grand nombre de sites, comme la grande aigrette (Ardea alba) ou le pluvier kildir (Charadrius vociferus). Enfin, la grèbe minime (Tachybaptus dominicus) et le Phalarope de Wilson (Phalaropus tricolor) n’ont tous deux été vus qu’une seule fois. Si toutes les espèces observées sont classées comme « préoccupation mineure » par l’IUCN, certaines comme le foulque d’Amérique (Fulica americana) ou le canard des Bahamas (Anas bahamensis) sont cependant considérées comme menacées au niveau local.
L’étude, qui fournit une bonne base en termes d’inventaire des espèces aviaires des milieux humides à Haïti, confirme aussi que ce pays dispose des habitats uniques propices à ces espèces tout au long de l’année, et notamment durant l’hiver. Ces données, qui soulignent une nouvelle fois l’importance de ces zones humides, confirment ainsi le besoin crucial de les protéger. En effet, Haïti fait encore malheureusement partie des pays qui n’ont pas ratifié la convention de Ramsar relative aux zones humides d’importance internationale, particulièrement comme habitats des oiseaux d’eau, et visant notamment leur conservation.
A propos des auteurs
De nationalité haïtienne, Lens Jerry Saint-Louis est titulaire d’un diplôme d’ingénieur agronome et d’un diplôme de master en écologie, pour lesquels il a bénéficié du soutien financier et scientifique de l’association Caribaea Initiative. Il a notamment travaillé sur l’importance des zones humides pour les oiseaux hivernants et migrateurs en Haïti. La présente étude a été menée dans le cadre d’un service civique au sein de la fondation haïtienne Fokal, effectué conjointement avec un autre étudiant haïtien, Jeffey-Mackenzy Paul, co-auteur de l’article actuellement inscrit en thèse de doctorat à l’Université des Antilles avec le soutien de Caribaea Initiative.
Références
Saint-Louis, L.J., Paul, J.M., Célestin, W., Beaune, D. & Cézilly, F. (2021). A Baseline Survey of Waterbirds in Five Major Wetlands of Haiti. Waterbirds 44, 370-375.