La faune Haïtienne vient de s’enrichir ! Le Lac Miragoâne compte désormais pas moins de neuf espèces de poissons décrites du genre Limia. Cette découverte, qui vient d’être publiée dans la revue Zootaxa, est le fruit d’une collaboration scientifique entre trois étudiants caribéens : Rodet Rodriguez-Silva (Cuba), Patricia Torres-Pineda (République Dominicaine) et James Josaphat (Haïti). Le trio gagnant est déjà en préparation d’un second article.
Située au centre de la Caraïbe, l’île d’Hispaniola est divisée entre la République d’Haïti à l’ouest, et la République Dominicaine à l’est. Avec 18 espèces de Limia endémiques, contre seulement une espèce pour Cuba, la Jamaïque ou encore Grand Cayman, Hispaniola est considérée comme le grand foyer d’endémisme des poissons appartement à ce genre étonnant. Les Limia ont en effet la particularité d’être des poissons ovovivipares, ce que veut dire que les œufs éclosent dans le corps de la mère, qui donne donc naissance à des jeunes déjà formés. Sur les 18 espèces, neuf sont endémiques du lac Miragoâne. Le lac s’illustre d’ailleurs par un nombre particulièrement élevé d’espèces de poissons ovovivipares endémiques, ce qui en fait un site d’importance majeure pour l’étude de l’origine et de l’évolution des poissons d’eau douce dans la Caraïbe insulaire. En dépit de cette richesse, aucune étude scientifique ne s’était penchée sur la faune ichtyologique du lac Miragoâne depuis les années 80. Il était temps que ces trois étudiants caribéens joignent leurs forces !
Tout se concrétise lors de la quatrième édition de la Caribaea Initiative Research & Conservation Conference (CIRCC), organisée par l’association Caribaea Initiative en République dominicaine, où l’ensemble des auteurs se retrouvent pour présenter leurs travaux. Ce rendez-vous annuel est un lieu propice pour le réseautage et le développement de nouvelles collaborations à l’échelle de la Caraïbe insulaire.
Un mois après, et avec le soutien enthousiaste de Caribaea Initiative, les trois étudiants organisent une mission de terrain au lac Miragoâne. La pêche est fructueuse. Dans les filets, l’apparence d’un petit poisson interpelle, notamment du fait de sa mâchoire inférieure étonnamment bien développée. Une analyse morphologique complète révélera ce que les étudiants soupçonnaient alors : il s’agit bien d’une espèce encore inconnue. C’est en toute logique que celle-ci sera nommée Limia mandibularis, du latin mandibula signifiant « mâchoire ». Cette découverte est d’autant plus gratifiante pour ces étudiants en début de carrière que les nouvelles descriptions de vertébrés sont plutôt rares, particulièrement dans ce pays considéré comme l’un des plus pauvres du monde.
L’histoire ne s’arrête pas là. Un autre article de nos trois étudiants sur les poissons du lac Miragoâne et sur les menaces qui pèsent sur leur diversité est déjà en préparation. Les travaux que développe depuis peu James Josaphat dans le cadre de sa thèse de doctorat devraient également permettre une meilleure gestion et conservation des poissons du genre Limia dans les milieux d’eau douce en Haïti.
Référence
Rodriguez-Silva, Rodet, Patricia Torres-Pineda & James Josaphat. 2020. Limia mandibularis, a new livebearing fish (Cyprinodontiformes: Poeciliidae) from Lake Miragoane, Haiti. Zootaxa 4768(3) : 395–404.
DOI : 10.11646/zootaxa.4768.3.6
https://www.mapress.com/j/zt/article/view/zootaxa.4768.3.6
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A propos des auteurs
Rodet Rodriguez-Silva devrait terminer l’année prochaine sa thèse rattachée à l’Université de l’Oklahoma, sous la direction du Dr. Ingo Schlupp. Son projet de recherche est axé sur les mécanismes écologiques qui influencent la spéciation des poissons vivipares dans les Grandes Antilles. Caribaea Initiative soutient une partie des frais de recherche depuis 2019.
James Josaphat entame une thèse, financée par Caribaea Initiative et rattachée à l’Université des Antilles pôle Guadeloupe, sous la co-direction du Dr. Etienne Bezault, Laboratoire Borea (MNHN, CNRS FRE 2030, SU, IRD 207, UCN, Université des Antilles) et du Pr. Ingo Schlupp, Université de l’Oklahoma. Son projet de recherche s’intitule « Facteurs affectant la diversité des communautés de poissons ovovivipares du genre Limia (Poeciliidae) dans les milieux d’eau douce en Haïti ».
Patricia Torres-Pineda est assistante de recherche et conservatrice de la collection de poissons au sein du Musée National d’Histoire Naturelle « Prof. Eugenio de Jesús Marcano » en République dominicaine. Patricia entreprend, dès la rentrée, un master en écologie et biologie de l’évolution au sein de l’Université du Michigan. Patricia s’intéresse tout particulièrement à l’écologie des poissons d’eau douce.