La biodiversité foisonnante de la Caraïbe, aussi riche qu’unique au monde, subit de nombreuses menaces. Comme pour tout système insulaire, les espèces dites exotiques envahissantes constituent un problème majeur. Originaires d’autres territoires, ces animaux ou végétaux sont introduits volontairement ou par accident, et viennent perturber les écosystèmes locaux par compétition, par prédation, ou encore via leurs pathogènes.
Depuis 2021, le projet MERCI, acronyme pour « Managing exotic reptiles on Caribbean islands », permet de mieux comprendre la menace posée par des espèces variées de reptiles dans la Caraïbe. Ce programme ambitieux porté par l’association Caribaea Initiative a déjà permis de récolter des données scientifiques de qualité, de former des étudiants et de sensibiliser des publics variés. Un spectre d’action tel qu’il a fini par avoir une certaine notoriété.
Aux Saintes, un groupe d’îles situées au sud de l’archipel guadeloupéen, certains reptiles exotiques ont déjà des impacts notables. Face à la dégradation d’un écosystème local, celui de la mare de Marigot, faisant suite son invasion progressive par des tortues d’eau douce, le Conservatoire du Littoral a fait appel aux scientifiques de Caribaea Initiative engagés dans le projet MERCI pour mener une action forte : débarrasser la mare de ses occupants problématiques pour permettre à l’écosystème de se reconstruire.
Ainsi, plusieurs missions ont été organisées aux Saintes, avec un objectif bien plus complet qu’une simple éradication. La capture des tortues, nécessaire pour ce processus, représente en effet une occasion unique pour collecter des données variées, et mieux connaître l’espèce envahissante et son impact sur l’écosystème local.
Dès le mois de février 2023, des pièges ont été installés pour capture les tortues. Au total, 71 individus de l’espèce Trachemys stejnegeri, communément appelée tortue de Porto Rico en raison de son origine, ont été capturés. Les individus ont été mesurés, pesés, sexés, photographiés, et leur comportement a également été étudié. Ces données pourront permettre des comparaisons avec d’autres populations de tortues exotiques de Guadeloupe.
Des analyses génétiques du contenu de leur tractus digestif, d’échantillons de foie et de prélèvements sanguins permettront en outre de déterminer précisément leur régime alimentaire et de détecter les pathogènes dont les tortues pourraient être porteuses. Ces données apporteront des éléments nouveaux concernant l’impact de cette espèce sur la biodiversité locale, et permettront à l’avenir des prises de décisions éclairées quant aux mesures de prévention et de gestion à adopter.
Les missions menées aux Saintes ont enfin joué un rôle de première importance dans la prévention des invasions biologiques : la sensibilisation du grand public. En effet, les tortues d’eau douce, même lorsqu’elles sont exotiques et envahissantes, sont généralement perçues de manière positive par la population locale et les visiteurs. Facilement observables et inoffensives pour l’homme, elles ne sont pas perçues comme une menace. Pour justifier la nécessité des captures effectuées à la mare, mais aussi pour sensibiliser les passants aux enjeux liés au contrôle des espèces exotiques envahissantes, un panneau pédagogique a été créé et installé devant la mare. Une équipe de tournage a participé à l’une des missions aux Saintes, dont le reportage a été diffusé lors du journal télévisé de 13h de la chaine de télévision locale Guadeloupe la 1ère (voir la vidéo). Enfin, à l’occasion du Traditour, évènement sportif populaire en Guadeloupe, un stand comprenant des ressources variées a permis à l’association Caribaea Initiative de présenter le projet MERCI, ses objectifs, ses actions, et d’engager le dialogue sur les menaces liées aux reptiles exotiques envahissants.
Lire le rapport de mission (PDF)
Retrouvez l’équipe sur le terrain, aux Saintes, dans la vidéo ci-dessous.
Le projet MERCI est cofinancé par le programme INTERREG Caraïbes au titre du Fonds Européen de Développement Régional.