A Haïti, des insectes pollinisateurs trouvent refuge dans les espaces verts de Port-au-Prince

Sur l’île d’Hispaniola, la biodiversité d’Haïti doit composer avec des contraintes anthropiques conséquentes. La déforestation, qui continue malheureusement à l’heure actuelle, est telle que le pays a perdu plus de 99% de ses forêts primaires. Cependant, d’autres types de végétation existent en Haïti. En particulier, les espaces verts urbains forment une mosaïque d’habitats potentiels pour de nombreuses espèces, dont les insectes pollinisateurs.

Les insectes pollinisateurs font les frais de menaces variées à l’échelle du globe, telles que le changement climatique, l’utilisation massive de pesticides, ou encore l’introduction d’espèces envahissantes. La déforestation constitue une cause majeure de déclin, particulièrement dans les régions tropicales. Les zones de végétation qui existent dans des milieux urbains peuvent cependant abriter certaines espèces et contribuer ainsi, dans une certaine mesure, à la préservation d’une partie de la biodiversité. Dans une récente étude, l’intérêt des zones de végétation urbaines pour les insectes pollinisateurs a été évalué dans les environs de la métropole de Port-au-Prince, en Haïti.

Deux catégories d’espaces verts ont été étudiés : des parcelles de forêts secondaires privées rescapées de la déforestation et des plantations agroforestières. Celles-ci se caractérisent par des parcelles forestières dans lesquelles une partie des arbres a été supprimée pour cultiver d’autres plantes, tandis que d’autres arbres et arbustes sont conservés pour des usages variés.

Pierre Michard installe un piège pour capturer les insectes

Des pièges à insectes pollinisateurs ont été disposés dans les 16 espaces étudiés (huit parcelles forestières et huit parcelles de plantations). Chaque parcelle a été échantillonnée à trois reprises, sur des périodes de 24h. Tous les insectes récoltés ont été catégorisés selon l’ordre auquel ils appartiennent. La connaissance des insectes étant limitée en Haïti, il n’était en effet pas possible de déterminer chaque espèce.

Au total, 2 747 insectes ont été collectés, appartenant à six ordres différents, incluant une grande proportion de diptères (mouches). L’analyse des données montre que les insectes présentent une plus grande richesse (à l’échelle de l’ordre) dans les sites agroforestiers comparés aux restes de forêts secondaires. En particulier, aucun insecte de l’ordre des hyménoptères (guêpes, abeilles, etc.), et très peu de coléoptères et de thysanoptères ont été collectés dans les forêts. Ce résultat important suggère que les plantes cultivées dans les petites parcelles agroforestières de Port-au-Prince contribuent directement au maintien de la diversité des insectes.

Identification des insectes à l’aide d’un microscope

Le bénéfice des cultures comparé aux parcelles de forêts secondaires, qui peut sembler contre-intuitif, s’explique notamment par les pratiques agroforestières. Les cultures sont pratiquées par des locaux, susceptibles de planter des espèces variées, et dont les moyens ne permettent pas l’utilisation de pesticides. De plus, la pauvreté du pays ne permet pas une alimentation constante en électricité, contribuant à limiter la pollution lumineuse nocturne et les effets néfastes sur la biodiversité qui l’accompagnent.

Autre découverte majeure, deux espèces de papillons d’intérêt patrimonial ont été récoltées dans les deux types de parcelles. L’espèce Battus zetides, considérée comme vulnérable, est endémique de l’île d’Hispaniola, ce qui signifie qu’elle n’existe nulle part ailleurs. L’espèce Anetia jaegeri, considérée comme quasi-menacée, est quant à elle cantonnée à Hispaniola et la Jamaïque. Leur présence apporte de nouvelles connaissances sur l’écologie de ces deux espèces. Elle confirme aussi l’intérêt des petites parcelles d’espaces verts urbains pour le maintien de la biodiversité en Haïti, un résultat déjà observé chez les oiseaux dans une étude similaire également conduite autour de Port-au-Prince.

 

A propos de l’auteur

Pierre Michard Beaujour a travaillé sur la diversité des insectes pollinisateurs de Port-au-Prince au cours de son stage de Master, financé par Caribaea Initiative. Il poursuit aujourd’hui un doctorat axé sur les odonates en Haïti, toujours grâce au soutien de l’association.

 

Référence

Beaujour, P.M. & Cézilly, F. (2022). The importance of urban green spaces for pollinating insects: The case of the metropolitan area of Port-au-Prince, Haiti. Caribbean Journal of Science 52, DOI: 10.18475/cjos.v52i2.a11.