Programme de recherche visant à améliorer les connaissances sur plusieurs espèces de reptiles exotiques envahissants dans les Petites Antilles, le projet MERCI a pour autre ambition de renforcer la collaboration entre les territoires concernés. Au regard de la dernière mission qui s’est déroulée en Dominique, les deux objectifs sont des succès !
Le mois dernier, Annabelle Vidal, spécialiste cubaine de l’étude des lézards anoles, s’est de nouveau rendue sur l’île, un an après sa première mission. A l’époque, l’objectif était de mettre en place un suivi de deux espèces d’anoles – une espèce native de l’île (Anolis oculatus) et une espèce invasive (A. cristatellus) – grâce à la capture et au marquage des individus, tout en formant les partenaires du projet sur place à ces techniques (lire l’article). Cette fois, la thématique s’est centrée sur le régime alimentaire des deux espèces.
Pour mieux comprendre ce que consomment les lézards, Annabelle et une équipe de la Forestry, Wildlife and Park Division de la Dominique dirigée par l’officier Jeanelle Brisbane ont visité trois sites de l’île : une forêt où seule l’espèce native est présente, une forêt où les deux espèces cohabitent, et un milieu urbanisé. Durant trois jours, les chercheurs ont capturé des lézards, dans l’objectif de collecter leurs fèces. Une technique qui ne nécessite pas de manipulation particulière de l’animal, mais simplement un peu de patience. Les individus, préalablement mesurés, pesés et sexés, ont en effet tendance à délivrer l’échantillon voulu dans le petit sac où ils sont maintenus, avant d’être relâchés à l’endroit même de leur capture. Au total, une quinzaine de fèces ont ainsi été collectés.
Pour compléter ces échantillons, des contenus stomacaux d’une trentaine d’individus de l’espèce invasive ont également été prélevés. Les captures de cette espèce potentiellement problématique ont en effet été suivies d’une mise à mort de l’animal, permettant le prélèvement du tractus digestif. Les échantillons de fèces et de contenus stomacaux seront analysés en Guadeloupe grâce à une technique génétique de metabarcoding, permettant d’identifier les animaux consommés. Il sera ainsi possible de voir quel type d’insectes mange chaque espèce, et si la présence de l’espèce invasive modifie le régime alimentaire de l’espèce native. Surtout, il sera possible de savoir si l’espèce invasive s’attaque à de jeunes anoles de l’espèce native. Enfin, la même technique génétique sera utilisée pour identifier les parasites contenus dans le foie de l’espèce invasive, et mieux comprendre le risque sanitaire potentiel sur l’espèce native.
En plus de la récolte de données, la mission avait un important objectif de formation pour nos partenaires. Sur le terrain, quatre personnes ont été initiés à la capture, la collecte de fèces et à l’euthanasie des lézards. De retour en laboratoire, une quinzaine de personnes ont pu apprendre, avec Annabelle, à disséquer les lézards pour récupérer les tractus digestifs. Tous se sont montrés très intéressés et appliqués dans l’exercice. Parmi les agents qui ont bénéficié de la formation se trouvait Norma Anthony, ancienne étudiante en master ayant effectué son stage dans le cadre du projet MERCI. En plus des agents travaillant à la Forestry, Wildlife and Parks Division, trois étudiants de licence ont profité de l’expérience.
Durant le reste de son séjour, les échanges d’Annabelle avec les officiers des forêts, mais aussi avec le Ministre de l’Environnement en personne, ont permis de développer les perspectives de collaboration entre la Dominique et les autres pays de la Caraïbe, notamment par le biais de Caribaea Initiative : offre de formations appliquées pour les techniciens déjà en poste, accords avec l’université pour des cursus approfondis en conservation, possibilité de financement d’une thèse… et bien sûr projets de recherche communs.
En attendant des projets sur un plus long terme, Jeannelle Brisbane devrait à son tour faire le voyage d’ici la fin du mois, cette fois depuis la Dominique vers la Guadeloupe, pour l’analyse génétique des échantillons récoltés. Une occasion supplémentaire pour approfondir les collaborations à venir !
Le projet MERCI est cofinancé par le programme INTERREG Caraïbes au titre du Fonds Européen de Développement Régional.